Olivier Cousi, associé au cabinet Gide Loyrette Nouel, vient de prendre la présidence de l’Alliance des avocats pour les droits de l’Homme (AADH). Cette association coordonne depuis 2009 un soutien juridique neutre, gratuit et confidentiel, auprès des organismes, associations et institutions dédiées à la protection des droits humains et environnementaux. Son nouveau président présente l’AADH et trace les grandes lignes des actions pour 2018.

 

Affiches Parisiennes : Vous avez pris récemment la présidence de l’Alliance des avocats pour les droits de l’Homme. Pouvez-vous la présenter ?

Olivier Cousi : Je suis heureux d’avoir pris cette présidence. C’est naturellement un titre honorifique, car l’essentiel du travail est réalisé par Noanne Tenneson, la directrice générale, dont la mission essentielle est de rapprocher les associations et les cabinets d’avocats. Celle-ci n’a guère le temps de prendre en charge ce rôle clé, notamment en matière de communication. Dans les mois qui viennent, je vais m’employer à rendre cette alliance davantage visible auprès des avocats d’une part, et du grand public, d’autre part.

En deux mots, l’AADH est une association régie par la loi de 1901, en passe d’être reconnue par l’Organisation des Nations Unies, ayant vocation à rassembler les avocats souhaitant proposer des actions pro bono à des ONG, à des associations ou à des institutions travaillant pour la défense des droits humains, toutes contractuellement partenaires de l’Alliance.

Cette dernière réunit actuellement vingt-sept cabinets de toutes tailles, – tels Vigo, DS, Ancile, Betto-Seraglini ou encore Dentons, Skadden, Dechert, Allen & Overy, Pardieu Brocas, Jeantet ou Gide… –, ce qui représente potentiellement quelques milliers d’avocats, avec l’objectif d’offrir aux associations partenaires de l’Alliance, des conseils juridiques en matière de droits de l’Homme, mais aussi en matière de contentieux, de droit du travail, de droit des sociétés, de droit fiscal… Chaque cabinet membre de l’AADH peut ainsi trouver ses domaines d’intervention privilégiés.

A.-P. : Pour quelle raison avez-vous accepté de devenir président de l’AADH ?

O.C. : L’engagement est au cœur de mon existence et je considère d’ailleurs le métier d’avocat comme une profession d’engagement. D’engagement pour la défense des libertés publiques et individuelles, d’engagement pour la défense de la défense, mais surtout d’engagement au sens large : pour notre profession et pour autrui. Prendre aujourd’hui la présidence de l’alliance s’inscrit pleinement dans cette démarche qui a guidé ma carrière et ma vie personnelle depuis plus de trente ans.

 

L’AADH partie civile

« L’association de protection de l’enfance ACPE, membre de l’AADH, a souhaité se constituer partie civile dans le procès très médiatique de l’homme de 28 ans accusé d’atteinte sexuelle sur une jeune mineur de 11 ans, qui s’est tenu récemment au Tribunal correctionnel de Pontoise.
L’AADH a mis en relation l’ACPE avec Sandra Dorizon et Jennifer Halter, avocates de DS Avocats, cabinet membre de l’Alliance.
Par la voix de ces deux avocates, l’ACPE a ainsi appuyé la demande de la victime et de ses parents en requalification l’atteinte sexuelle en viol. Les parties civiles ont été parfaitement entendues. Le tribunal correctionnel a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir, estimant que les faits sont de nature à entraîner une peine criminelle.
Dans un contexte plus large, l’ACPE, soutenue dans ce combat par les avocats de l’AADH, intervient pour que soit instaurée une présomption d’absence de consentement pour les relations sexuelles entre jeunes mineurs et majeurs. Une telle présomption existe déjà dans de nombreux pays tels que le Royaume-uni (depuis 1956), l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les USA, le Canada…
L’AADH suivra de très prés, aux côtés des associations de protection de l’enfance, les débats annoncés en vue de l’adoption d’une loi en ce sens. »

 

A.-P. : Comment fonctionne cette association ?

O.C. : Noanne Tenneson soumet les demandes émanant des associations partenaires aux cabinets membres de l’alliance qui répondent selon leurs disponibilités ou domaines d’intervention. Initialement réservé aux droits humains, l’objet a été étendu aux droits fondamentaux, et notamment à la protection de l’environnement.

L’AADH a ainsi pris en charge plusieurs dossiers emblématiques, notamment celui qu’avait porté mon confrère Pierre Servan-Schreiber, en tentant de faire interdire la vente de masques Hopis, ces masques que les Indiens Hopis considèrent comme des objets sacrés, gardant la mémoire de leurs défunts. Notre confrère a vainement tenté d’obtenir en référé l’arrêt de la vente. Symboliquement, il a lui même acheté l’un de ces masques pour le restituer et le rapporter lui-même aux Indiens Hopis.

Nous intervenons également dans la défense de la protection des mineurs contre la prostitution, notamment au côté de l’association Ecpat. Enfin, récemment, nous sommes également intervenus sur le sort des réfugiés en France, notamment dans des cas de reconduite à la frontière. Depuis sa création en 2009, l’AADH a traité plus de 800 demandes.

A.-P. : Comment s’organise une intervention de l’AADH ?

O.C. : Notre intervention reste très artisanale. La directrice générale fait part de la demande de l’association ou de l’ONG au conseil d’administration ou aux vingt-sept cabinets membres de l’alliance, en sollicitant la prise en charge de la requête. Les cabinets membres intéressés par cette action font alors circuler l’information en interne afin d’organiser l’intervention d’un ou plusieurs avocats volontaires.

En 2017, nous avons ainsi répondu à 177 demandes, contre 135 l’année précédente. Nous proposons également des formations gratuites à des associations, des diplomates ou des consuls, notamment par l’entremise de l’avocat François Zimeray, l’un des membres fondateurs de l’AADH, qui est actuellement ambassadeur au Danemark.

Pour toutes ces prestations, il n’y a bien entendu aucune facturation directe entre les membres de l’alliance et les partenaires de l’AADH.

A.-P.: En 2017, votre action a été saluée par un prix spécial du jury aux Trophées Pro Bono du barreau de Paris…

O.C. : Oui, nous avons été récompensés en 2017 par un trophée spécial du jury. Ce qui fait la particularité de l’AADH, c’est qu’elle constitue l’une des rares associations de cabinets d’avocats réunis sur des sujets communs.

 

Création d’une “permanence mineurs isolés victimes de traite”

Comme le souligne Noémie Saidi-Cottier (photo ci-dessous), associée du cabinet éponyme et vice présidente de la commission “droits des enfants” de l’AADH, « on ne peut pas tolérer plus longtemps que des réseaux criminels extrêmement puissants, exploitant des enfants sans ressource ni défense, prolifèrent impunément sous nos yeux, en France ».

Pour elle, « la traite des êtres humains est un phénomène trop peu connu de nos institutions judiciaires, qui bien souvent passent à côté de situations dramatiques et faillissent – notamment par défaut de maitrise de la question – dans l’impératif de protection de l’enfance en danger que l’on peut légitimement attendre dans un état de droit. Pourtant, plus que jamais, ce phénomène mérite toute notre attention et notre vigilance dans la mesure où l’identification de la traite des mineurs permettra l’application d’une législation protectrice des victimes ».

C’est forte de ce constat alarmant que l’AADH s’engage et accompagne différentes ONG dans leur combat contre le phénomène de traite des enfants. Au cœur de cette action, l’accent est notamment mis sur la formation, pour permettre aux différents acteurs de la protection de l’enfance de l’identifier.

Dans le cadre de ce premier objectif, l’AADH s’est d’abord investie aux côtés de l’association Ecpat France dans le projet européen ReAct – Reinforcing Assistance to Child victims of Trafficking –, cofinancé par la Commission européenne. Ainsi que le précise Noémie Saidi-Cottier , « l’alliance était partie prenante à ce projet, qui avait notamment vocation à réaliser un état des lieux de la réalité de la traite des mineurs en Europe et une étude comparative des systèmes européens de représentation légale des mineurs dans le cadre des procédures judiciaires ».
 

Les actions concrètes de l’alliance

Les avocats de l’Alliance sont ainsi engagés dans des actions d’études et de formations, qui se poursuivent.

Toutefois, selon Noémie Saidi-Cottier, « en raison des impératifs qui sont apparus concernant le respect des droits de l’Enfant, ils ont souhaité un engagement plus concret, aux côtés non plus des seuls professionnels mais des mineurs eux-mêmes ».

Dans le cadre de cet engagement, ces avocats de l’Alliance « ont à cœur de se constituer partie civile pour des associations de défense de mineurs victimes – tourisme sexuel, cybercriminalité, prostitution infantile, etc. –, lesquelles interviennent dans certaines affaires emblématiques qui leur permettent ensuite d’illustrer des activités de plaidoyers pour faire avancer la cause de l’enfance en danger ».

Pour 2018, l’AADH a travaillé à la mise en place d’une “permanence mineurs isolés victimes de traite”, nouveau projet en faveur de la lutte contre toutes les situations de traite de mineurs en France. Comme le précise Noémie Saidi-Cottier, « cette permanence aura vocation à intervenir, chaque jour de l’année, à la demande d’ONG qui sont au contact de mineurs non accompagnés victimes de réseaux de traite ».

 
A.-P. : Quelle impulsion souhaitez-vous donner à l’AADH en tant que président ?

O.C. : Ma première volonté est de faire de l’alliance un acteur incontournable dans son domaine. Nous allons multiplier les rencontres avec les cabinets d’avocats pour présenter notre structure et montrer ce que peuvent apporter de telles actions pro bono.

Tous ceux qui ont participé à des actions de l’AADH sont généralement ravis d’avoir accompagné ces associations et ces ONG (voir encadré). Chez les avocats, la culture de l’engagement est forte. Avec cette alliance, ils peuvent utiliser leur savoir-faire juridique pour s’investir dans des missions d’intérêt général.

A.-P. : Lancez-vous un appel à vos confrères pour les inciter à rejoindre l’AADH ?

O.C. : Tout nouveau cabinet peut bien évidemment adhérer à l’AADH, mais l’alliance a surtout besoin d’acquérir davantage de visibilité tant sur son existence que sur les travaux aujourd’hui réalisés.

A.-P. : L’alliance prend également en charge des études de droit comparé ?

O.C. : En effet, c’est l’un des projets phares de 2018. Nous souhaitons, réaliser une étude, lancée par Benjamin Pitcho, actuellement directeur général de l’Alliance, sur la défense des droits des enfants transgenres. L’idée est de disposer de banques de données de jurisprudence au niveau international et, plus précisément, dans cinq pays ayant une législation avancée sur ce sujet et ce, pour assurer une protection renforcée des transgenres et des transexués. Cette étude sera soumise en France aux Pouvoirs publics dans le cadre d’un colloque à intervenir.

Nous menons également à côté d’autres acteurs, la lutte contre la traite des mineurs. Nous avons mis en place un pool d’avocats spécialisés sur ces matières pour permettre l’établissement de documents types tels que des conclusions. Les avocats compétents peuvent aussi transmettre leur savoir-faire à d’autres confrères.

Au sein de l’AADH ont également été créées des commissions – droits de l’Homme, droit des affaires, propriété intellectuelle, droit social et droit fiscal. Nous nous rendons, en effet, compte que beaucoup de demandes ne sont pas forcément liées aux questions de droits de l’Homme. Les associations et les ONG partenaires peuvent rencontrer des problèmes de gouvernance, de droit des sociétés, de droit du travail ou de droit fiscal…

A.-P. : Pouvez-vous préciser comment l’AADH est financée ?

O.C. : Les cabinets d’avocats et les partenaires – associations et ONGs – payent une cotisation annuelle à l’alliance. La cotisation pour les confrères s’échelonne de 400 euros pour les avocats individuels à 3 300 euros pour les cabinets dont le chiffre d’affaires est supérieur à six millions d’euros.

Quant aux partenaires, ONG ou associations, cette cotisation va de 50 euros, pour les structures ayant un budget inférieur ou égal à 10 000 euros et à 800 euros, pour celles dont le budget est supérieur à 10 millions d’euros. Parallèlement, nous avons eu quelques subventions, mais celles-ci demeurent encore trop rares.

 

Partenaires de l’AADH :

L’AADH compte déjà de nombreux partenaires parmi lesquels :

– Avocat sans frontières France
– Fédération internationale des droits de l’Homme
– Barreau de Paris
– Ambassadeur pour les droits de l’Homme auprès du
ministère des Affaires étrangères
– Plan France
– PlaNet Finance
– GoodPlanet
– Comité contre l’esclavage moderne
– International Senior Lawyer Project
– France terre d’asile
– Un enfant par la main
– Ensemble contre la peine de mort
– Survival
– Cofrade
– Réseau national de défense des droits humains
– Union of Councils for Jews in the former Soviet Union
– Fédération enfance et éducation
– France bénévolat
– End Child Prostitution and Trafficking
– International Bar Association
– Asmae sœur Emmanuelle
– Association contre la prostitution des enfants
– Reporters sans frontières
– Max Havelaar Fair Trade
– Prisonniers sans frontières
– Hors la rue
– Emmaüs
– Centre de récupération des enfants déshérités au Tchad
– Etc.

 
 
 

Un article de Anne Moreaux que vous pouvez retrouver en suivant ce lien : http://www.affiches-parisiennes.com/olivier-cousi-psd-de-l-aadh-l-alliance-des-avocats-merite-d-acquerir-davantage-de-visibilite-7742.html

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