Le passage à la Majorité des mineurs non accompagnés dans 6 pays européens

La transition vers l’âge adulte représente un moment crucial dans la vie des mineurs non accompagnés, souvent  marqué par l’incertitude et la vulnérabilité. Les formes de protection garanties durant l’enfance disparaissent ou changent radicalement, laissant de nombreux jeunes sans soutien adéquat à une étape clé de leur parcours vers l’intégration et l’indépendance. 

À travers les recherches que nous avons menées dans le cadre du projet européen CO.A.ST en France et dans cinq autres pays européens, nous avons exploré la manière dont chaque système gère la délicate transition des mineurs non accompagnés vers l’âge adulte.

France : Une protection juridique incertaine au-delà de 18 ans

En France, les mineurs non accompagnés doivent justifier de leur droit au séjour dès leur majorité par des voies légales spécifiques (protection internationale, admission exceptionnelle au séjour ou titre de séjour vie privée et familiale). Ils peuvent continuer à bénéficier d’un accompagnement grâce au Contrat Jeune Majeur, qui permet de prolonger la prise en charge par l’ASE jusqu’à 21 ans. Cependant, sa mise en œuvre est inégale et insuffisante. Les difficultés d’accès à l’éducation, au logement et aux services, ainsi que le manque d’accompagnement structuré, augmentent le risque d’exclusion sociale et de précarité.

Grèce : Coupure brutale et faible protection

En Grèce, les mesures de protection des mineurs non accompagnés prennent fin brutalement à 18 ans, et de nombreux jeunes se retrouvent souvent sans logement ni soutien social. Les tuteurs, souvent débordés, se concentrent principalement sur les procédures judiciaires, tandis que l’intégration concrète et l’accompagnement reposent presque exclusivement sur des ONG aux ressources limitées. L’absence de mécanisme étatique solide expose de nombreux jeunes à de graves risques, tels que l’exploitation et la marginalisation.

Pologne : Difficultés de suivi des mineurs

En Pologne, atteindre l’âge adulte ne signifie pas nécessairement la fin de la protection juridique : un soutien est disponible pour ceux qui obtiennent une protection internationale. Ces derniers peuvent ainsi accéder à des programmes d’intégration offrant une aide financière, scolaire et au logement. Cependant, de nombreux mineurs quittent le pays avant 18 ans, ce qui rend difficile l’évaluation de l’efficacité du système polonais.

Slovénie : Absence de protection après l’âge adulte

En Slovénie, il n’existe aucun cadre juridique pour accompagner les mineurs non accompagnés dans leur transition vers l’âge adulte. Après 18 ans, toute forme de tutelle cesse et aucun mécanisme n’offre d’assistance complémentaire à ceux qui en auraient besoin. Les jeunes continuent donc souvent de dépendre du soutien informel de leur ancien tuteur et de l’aide de diverses ONG. Les bénéficiaires d’une protection internationale bénéficient d’un soutien supplémentaire par l’intermédiaire de conseillers en intégration. Ce soutien n’est pas accessible à ceux qui sont encore en procédure de demande d’asile. L’accès à un soutien à la majorité reste l’un des principaux défis pour ces jeunes.

Italie : Importantes disparités régionales

En Italie, la transition vers l’âge adulte des mineurs non accompagnés est encadrée par un système relativement structuré, assorti de mesures spécifiques. À 18 ans, les jeunes peuvent convertir leur permis de séjour, obtenu lorsqu’ils étaient mineurs, en permis d’études, de travail ou de recherche d’emploi, selon leur parcours et l’évaluation des autorités compétentes. De plus, le prosieguo amministrativo (prolongation administrative) permet de prolonger l’hébergement et l’accompagnement jusqu’à 21 ans pour ceux qui ne sont pas encore en mesure de vivre de manière autonome. Cependant, la réussite de ce processus dépend fortement du soutien des tuteurs bénévoles et des programmes locaux, souvent insuffisants en raison des disparités régionales et du manque de logements.

Slovaquie : Incertitude juridique et dépendance à l’égard des tuteurs

En Slovaquie, il n’existe pas de cadre juridique spécifique régissant la transition vers l’âge adulte pour tous les mineurs non accompagnés. Les jeunes reconnus comme mineurs non accompagnés peuvent séjourner dans des centres d’hébergement pour mineurs jusqu’à l’âge de 25 ans, à condition qu’ils étudient ou se préparent à une profession, qu’ils soient titulaires d’un permis de séjour ou qu’ils soient en procédure de demande d’asile. Ceux qui ne remplissent pas ces critères risquent de se retrouver en situation irrégulière et de perdre des formes essentielles de soutien. La continuité de l’assistance dépend souvent de la disponibilité et de l’initiative des tuteurs ou des travailleurs sociaux, ce qui entraîne des parcours de soutien inégaux.

 

Cette première analyse met clairement en évidence la complexité de la transition vers l’âge adulte pour les mineurs non accompagnés. Bien que chaque pays adopte des approches différentes, il est évident que cette phase représente une période de grande vulnérabilité dans tous les contextes, en raison de la réduction ou de la perte des protections auparavant garanties. Si les tuteurs, les associations et les organisations locales sont souvent en première ligne pour apporter un soutien, cela ne suffit pas à assurer un parcours stable et sécurisé pour tous. Il est donc essentiel d’harmoniser les législations et de développer des systèmes de protection efficaces qui garantissent continuité et sécurité, permettant à ces jeunes de construire leur parcours d’intégration et d’indépendance avec plus de confiance.

Pour en savoir plus, consultez notre fiche d’information sur la représentation légale ICI.

 

 

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*CO.A.ST – My Coming Of Age Story est un projet européen dédié aux mineurs non accompagnés — en particulier les adolescents et les jeunes majeurs — ainsi qu’à leurs représentants légaux.

L’objectif principal est d’améliorer les formes de soutien proposées aux représentants légaux de mineurs non accompagnés, afin qu’ils puissent répondre aux besoins spécifiques liés à ce public vulnérable et leur offrir un accompagnement adapté dans la phase délicate de transition vers l’âge adulte.

Le projet est cofinancé par la Commission européenne et sa mise en oeuvre est assurée par un consortium d’organisations, dirigé par le CIR – Conseil Italien pour les Réfugiés (Italie), en partenariat avec 4 organisations de 6 États membres : AADH – Alliance des Avocats pour les Droits de l’Homme (France), ELIL – European Lawyers in Lesvos (Grèce et Pologne), KIND – Kids In Need of Defence (Belgique et Slovaquie) et PIC – Pravni Centerza Varstvo človekovih Pravic in Okolja (Centre juridique pour la protection des droits humains et de l’environnement, Slovénie