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Retour sur la conférence Exil(e) : Dans le labyrinthe de l'asile
Mercredi 19 avril, l’AADH a organisé une conférence afin de sensibiliser l'opinion sur la situation des femmes et des jeunes filles sur le chemin de l'exil et l'absence de prise en considération des souffrances, tortures et actes inhumains et dégradants par la réglementation sur l'asile en France.
Étaient ainsi conviés des avocats, un représentant de l'Etat, des associations, des juristes afin qu'ils puissent partager leur expériences et expertises et ouvrir des pistes de réflexion.
« Exil(e) : Dans le labyrinthe de l’asile », c’est le titre de cette conférence sur l’exil au féminin qui a voulu notamment mette à l’honneur des femmes trop souvent invisibilisées. Inscrire la perspective du genre comme dimension centrale de la compréhension des mobilités est fondamental, puisque les femmes représentent un peu moins de la moitié de la population migrante au niveau mondial et sont le plus souvent invisibilisées. Ce prisme permet d’ouvrir des questionnements afin de mieux appréhender l’expériences des personnes exilées, quel que soit leur genre, en attirant notre attention sur la dimension familiale, l’intimité, le soin aux autres, le rapport avec les enfants ainsi que l’expérience du corps au long de la trajectoire. Par ailleurs, la prise de conscience de l’existence de besoins spécifiques aux femmes migrantes est indispensable afin de mettre en lumière les difficultés que ces femmes rencontrent.
Notre but, c'est de chercher des solutions ensemble.
Noanne Tenneson, directrice de l'AADH
La conférence s’est organisée en trois tables rondes, telles les trois étapes du parcours d’une demandeuse d’asile.
Lors d’une première phase dédiée aux violences de l’exil, Donya Asadullah, jeune réfugiée afghane, s’est livrée sur sa fuite de l’Afghanistan vers la France à la suite du retour au pouvoir des talibans. Elle raconte les multiples obstacles administratifs dans sa demande d’asile, les violences aux frontières, l’angoisse lorsqu’elle se retrouve coincée au Pakistan, en attente de visa dans des conditions extrêmement précaires. Elle remercie également Maître Audrey Grisolle, qui « ne la connaissait pas mais l’a aidée comme une sœur ».
J’ai dû me mettre à l’abri mais je n’ai pas abandonné mon pays. Même ici, je continuerai de me battre pour les femmes afghanes.
Donya Asadullah
Chela Noori, présidente de l’association Afghanes de France, a partagé son indignation face aux restrictions des libertés opérées par le régime taliban, alors que les citoyennes afghanes ne peuvent plus étudier, travailler ou sortir sans chaperon masculin et que leur accès aux soins médicaux et à l’aide humanitaire est largement compromis. « Bientôt, les talibans diront aux femmes qu’elles peuvent respirer avec l’autorisation des hommes, souligne- t-elle. »
Louise Fortin, secrétaire générale de l’Observatoire des Camps de Réfugiés, a enrichi encore le débat par un état des lieux des camps de réfugiés, étape quasi-inévitable dans le parcours des personnes en exil, où la peur des violences physiques et sexuelles est si prégnante pour les femmes et les filles qu’elles en viennent à ne plus sortir de leur tente pour aller aux toilettes. Ces zones de non-droit, facteur d’impunité, sont le théâtre d’enfermements à durée souvent indéterminée, dans la plus grande précarité.
La demande d'asile
Maître Audrey Grisolle et Danielle Mérian, présidente de l’association SOS Africaines en danger !, ont abordé les difficultés de la demande d’asile et de l’entretien devant l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Danielle Mérian, qui accompagne régulièrement ces femmes traditionnellement soumises à l’homme, confie : « La première chose que je leur dis à ces femmes, c’est de regarder l’agent de l’OFPRA dans les yeux et de parler haut et fort. » Barrières culturelles, psychotraumatiques et juridiques sont autant d’embûches sur le parcours d’une demandeuse d’asile qui a vécu le pire mais peine à en parler. Maître Grisolle souligne notamment que les violences subies sur le parcours migratoire ne sont pas prises en compte dans la demande d’asile, car l’instruction se concentre sur les craintes de persécution dans le pays d’origine : si la requérante est déboutée, elle devra se confronter aux risques du chemin du retour.
La responsabilité des Etats et des sociétés d'accueil
Monsieur le Préfet Alain Régnier, Délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés (DIAIR), est revenu sur l’objet de la délégation qu’il dirige depuis 2018. « C’était l’ambition d’Emmanuel Macron en 2017 : on ne peut pas continuer à accueillir de nouvelles personnes si on n’accueille pas bien celles qu’on accueille. » Intimement convaincu des bienfaits de l’intégration des personnes en exil, M. Régnier évoque les nombreux dispositifs d’insertion socioprofessionnelle mis en place par la DIAIR, qu’il reconnaît insuffisants pour répondre aux besoins de l’ensemble de la population présente sur le territoire français.
Juliette Bobeau, cheffe de projet à l’association Trajectoires, ajoute que l’étude des migrations féminines permet de souligner des besoins communs : les femmes en exil se retrouvent majoritairement à la rue, alors qu’elles ne demandent qu’à travailler. Celles-ci sont alors contraintes de voyager avec des camarades, de se mettre en couple voire d’avoir un enfant pour composer avec un dispositif d’hébergement saturé.
Quant à l’importance de l’apprentissage du français dans l’insertion socioprofessionnelle, Félix Guyon, délégué général de l’association Thot, explique son combat pour l’identification et la prise en compte des besoins spécifiques de ces femmes dans l’accès à la formation : par la mise en place d’une garderie solidaire, l’association fait sa part afin d’alléger le fardeau des mères exilées, isolées et invisibilisées.
La conférence s’est conclue par l’intervention de Chirinne Ardakani, avocate spécialisée en droit pénal et droit des étrangers et fondatrice du collectif Iran Justice, qui recense depuis le décès de la jeune iranienne kurde Mahsa Amini les crimes commis par l’Etat iranien. Maître Ardakani souligne la responsabilité éthique et juridique des Etats d’origine comme des Etats d’accueil dans ces migrations meurtrières, suggérant l’instauration d’un « visa-asile » afin de faciliter le parcours des demandeurs d’asile, voire sollicitant un accueil inconditionnel pour ces femmes en exil à l’heure où la reconnaissance des violences faites aux femmes dans la procédure d’asile est sélective. Elle insiste également sur l’importance de remettre la défense des droits de l’Homme au cœur de la pratique juridique, pour que cesse l’impunité. « A chaque fois que la question du droit se pose, c’est « Comment va-t-on utiliser le droit pour ériger la forteresse qui va empêcher les ‘’flux migratoires’’ d’arriver ? » plutôt que « Comment on utilise le droit comme outil au service des droits universels ? »
Je pense qu’on peut faire
beaucoup mieux avec le droit.Chirinne Ardakani